La créatrice

Camille Mugnier est née en 1985 à Dijon. Elle a étudié aux Beaux-Arts de Nantes avant de bifurquer dans le costume de théâtre puis le design textile en intégrant l’école La Martinière Diderot à Lyon.  Elle a vécu et travaillé huit ans en Amérique du Sud, à Cuzco au Pérou puis à Concepción au Chili, où elle a créé une marque de vêtement : Millo. Depuis le début de l’année 2023, elle est installée à Rochefort, en Charente-Maritime. Son travail a toujours été consacré à l’artisanat et à ceux qui lui donnent vie, à la cuture collective contenue dans les techniques et les gestes. Pour en exprimer les énigmes et les valeurs, son support privilégié est le textile.

Le textile est pétri d’humanité. Par ses techniques, qui se transmettent de générations en générations, de mains en mains, d’artisans à artisans ; par un mode de fabrication souvent collectif, au sein de communautés que le tissage unit ; par ses fonctions-mêmes, à la fois intimes et sociales, où fibres, couleurs et motifs écrivent un rapport aux autres toujours à repenser. La source d’inspiration de Camille est faite de ces multiples histoires serrées dans les fibres d’un tissu et les outils des artisans.

Tout travail démarre par des rencontres, des échanges, des observations, des formations auprès de ceux qui détiennent un savoir-faire, complétés de lectures, d’un effort pour comprendre ce qui accompagne la mise en œuvre d’une étoffe ou d’un vêtement. Les récits, les rituels comptent ici autant que la dextérité ou le tour de main. Ce temps long de la documentation fournit la matière du temps solitaire de la création, où se font siennes ces histoires d’hommes et de femmes. 

Si la technique est maîtrisée, les couleurs et les matières délibérément choisies, la fabrication d’une pièce se fait aussi avec les mystères du hasard et du ressenti. Il s’agit de donner vie à des sentiments, de mettre une forme sur une sensation, de laisser s’exprimer un paysage mental. C’est une sorte de dialogue avec la pièce en cours, sans que l’on sache à l’avance quel chapitre elle va raconter, issu de tous les récits recueillis. Les pièces que Camille réalise pour l’instant sont de grandes dimensions, les petits formats ne lui permettant pas d’y faire vivre ce lent dialogue avec elle et avec les innombrables histoires dont elle est porteuse.

Elle s’efforce donc de rendre visible les travaux et les jours, les contes et les savoirs, les paroles et les chants, les joies et les chagrins, le labeur et l’ingéniosité d’artisans et de communautés. C’est dans les campagnes qu’elle collecte ces récits, et son travail est marqué par cette origine villageoise, particulièrement depuis sa vie au Pérou, où le textile porte une cuture et une transmission très explicite, où elle est le dépositaire de la parole et le miroir d’une pensée. 

Camille Mugnier est, en somme, une sorte d’anthropologue avec des outils d’artiste, où la technique véhicule de l’humain, entre des liens sociaux, une vision personnelle, le besoin sans fin de raconter et d’entendre des histoires et l’immense réservoir de l’imaginaire, toujours vif et actuel, que nous avons en partage.